« Memento mori, souviens-toi que tu es mortel »
clament les chrétiens, la vie à leur estime n’étant qu’une préparation à la mort vue comme une délivrance providentielle, une initiation mirifique aux joyeusetés de l’au-delà.
Et c’est a contrario par un vibrant " Souviens-toi de vivre " que Raoul Vaneigem titre l’introduction dont il fait précéder ses « Propos de table » recueil de notes éparses, de pensées de longueurs diverses axées sur ce qui fait la substance de sa philosophie : la résistance à un ordre castrateur qui sépare l’esprit du corps et le corps de la vie.
« L’impression d’être possédé par la vie n’a rien de l’extase ni de l’illumination. Elle s’obtient par un apprentissage quotidien, par une disposition patiemment cultivée où s’accorder au vivant amenuise et dissipe les contrariétés. »
Lire et partager ces Propos de table, c’est découvrir une sorte de pari de Pascal, dont on ressort plus revigoré qu’incertain!
Raoul VANEIGEM,
Propos de table. Dialogue entre la vie et le corps, Cherche midi
https://le-carnet-et-les-instants.net/2018/08/04/vaneigem-propos-de-table/
https://le-carnet-et-les-instants.net/2018/08/04/vaneigem-propos-de-table/
« Le choc du coronavirus n’a fait qu’exécuter le jugement que prononçait contre elle-même une économie totalitaire fondée sur l’exploitation de l’homme et de la nature.
Le vieux monde défaille
et s’effondre. Le nouveau, consterné par l’amoncellement des ruines, n’ose les
déblayer ; plus apeuré que résolu, il peine à retrouver l’audace de l’enfant
qui apprend à marcher. Comme si avoir longtemps crié au désastre laissait le
peuple sans voix.
Pourtant, celles et
ceux qui ont échappé aux mortels tentacules de la marchandise sont debout parmi
les décombres. Ils s’éveillent à la réalité d’une existence qui ne sera plus la
même. Ils désirent s’affranchir du cauchemar que leur a asséné la dénaturation
de la terre et de ses habitants.
N’est ce pas la preuve
que la vie est indestructible ? N’est-ce pas sur cette évidence que se brisent
dans le même ressac les mensonges d’en haut et les dénonciations d’en bas ? »
Raoul Vaneigem
ou la raison du cœur
11 avril 2020
« Peuples du
monde, encore un effort »
La feuille de Chou
L’HUMOUR
COMME SUBLIMATION DE LA PULSION DE MORT
La mort, quel manque de
savoir-vivre !
La vie, quel manque de
savoir mourir !
Il est plus que temps
de réunir les deux seules réalités en un rire tragique de vie qui va donc au-delà de la mort.
Le scandale de la
pulsion de mort est son caractère autodestructeur, sa visée première étant le
retour de l’humain vers l’inanimé.
Si les humoristes se doivent d’être
suffisamment féroces envers leurs victimes pour obtenir nos rires, nous savons bien
que le véritable humour est dirigé contre soi-même. Il implique un détachement
– ou permet de l’obtenir – vis-à-vis de notre vie – donc de tous nos objets de
désir.
La position de Freud,
pour qui l’angoisse de mort est in fine angoisse de castration, est pertinente
si la fin de la vie n’est pas représentable dans l’inconscient. Ce dont sont
effectivement incapables les humains phobiques de la mort est bien d’accepter
l’idée scientifiquement assez probable que l’angoisse meurt aussi avec elle…
Toutes les histoires de
bons mots de condamnés présupposent ce détachement, comme aussi celle de Mark
Twain apprenant la nouvelle de sa mort dans le journal et la jugeant simplement
« prématurée. »
L’humour authentique
est celui que nous exerçons au détriment de notre auto conservation et de notre
narcissisme. Il confère aussitôt et ainsi une hauteur de vue qui n’est pas
exempte d’idéalisation du moi, et permet parfois de prendre un pouvoir que le
rapport de force actuel nous dénie.
Si on ne tremble pas
devant la mort, le bourreau ou le meurtrier perdent une part de leur pouvoir :
ils ne peuvent nous prendre que la vie.
Freud en donne la plus
surprenante illustration.
Alors que les SS ont
précédemment méthodiquement mis à sac son bureau et sa maison devant lui,
Freud, après cette catastrophe qui a détruit une vie de travail, au moment où
arrive enfin le « certificat de recevabilité » de sa demande de quitter
le pays, voit revenir la Gestapo qui exige qu’il certifie par écrit « que
tout s’est déroulé en conformité avec le règlement et dans les normes de droit
». Il trouve alors le moyen de féliciter le policier et d’ajouter « M’est-il
permis d’ajouter ceci : je puis chaudement recommander à tout le monde la
Gestapo ? »
Freud n’est pas alors seulement au-dessus de
cette fatalité ; grâce à l’humour, il prend le dessus sur son agresseur, en
démasquant le mensonge qu’il vient de signer par celui de son compliment, et ne
lui laisse pas de prétexte pour se venger en tournant en compliment «
chaleureux » le fait que c’est lui qui juge son travail. Il y a donc un
bénéfice compensateur au détachement dont il fait preuve. Le policier de la
Gestapo ne s’y trompe bien sûr pas, il a seulement regardé le professeur d’un
air furieux, et il a passé la porte sans un mot dire mais en le maudissant !
L’humour procure donc à
mon sens tous les gains de la sublimation. En tournant nous-même en dérision
notre narcissisme, nous coupons l’herbe sous le pied de ceux qui pourraient
aisément critiquer nos prétentions affichées. Qui plus est, nous faisons rire
le public, nos amis et les femmes, et chacun sait que faire rire une femme est
un premier pas pour la séduire. Et c’est bien sûr aussi vrai dans l’autre sens.
Un Woody Allen a remarquablement usé dans son œuvre de ce stratagème. Peut-être
en a-t-il quelque peu abusé
Cette horreur qui a révolté dans le monde entier –
mais seulement pour une part… – dévoile la puissance de déstabilisation du
rire, son insupportable puissance subversive. C’est bien une arme, dont il est
dangereux de se servir, surtout avec talent et en n’acceptant aucun interdit
Peut-être faut-il croire avec Marie-Frédérique
Bacqué , auteur de « Apprivoiser la mort », (Paris, Odile
Jacob) « qu’irreprésentable inconsciemment, la mort est pensable à
minima, et peut, au sein du groupe familial, donner lieu à une parole commune
sur le travail de la mémoire. Elle ne peut rester l’issue d’un très grand vieillissement
qui fait peur ou la conséquence effrayante d’une catastrophe. Parler de la
mort, avant qu’elle se produise, revient, à poser un repérage sur cet
irreprésentable ».
Parmi les quelques auteurs
consultés, Bernadette Lamboy atteste que l’humain demeure sensible à sa
finitude. Dans La mort réconciliée, elle énonce: « En même temps que l’être
humain s’éveille à la conscience de sa propre existence, lui apparaît sa
lointaine mais non moins inéluctable finitude. La mort, toujours, se présente
comme une interrogation pressante ».
L’auteure reconnaît
toutefois qu’au XXe siècle, la société occidentale a cherché à évacuer la mort.
Comme la mort se montre plus forte que l’homme, elle espère que surviendra un changement en
profondeur: «La mort sera toujours la fin d’une vie, mais elle sera bien
davantage: elle viendra à s’inscrire comme dynamisme
essentiel de la Vie. Est-ce à dire qu’il faille réhabiliter la mort?
Certainement. Mais avant tout, il s’agit de réhabiliter la vie, de réhabiliter
la Vie»
.
Et si le rire faisait
partie de cette réhabilitation?
On prête à Pierre Desproges
qui n’a pu venir recevoir son « Prix Humour de résistance » décerné
par la Maison de l’Humour, le libellé de la dépêche annonçant sa mort: «Pierre
Desproges est mort d’un cancer. Étonnant, non !
»
Selon Alain Woodrow, « Et
ça vous fait rire ! » Éditions du Félin) avec l’humour noir, on touche le lien étroit qui existe entre
l’humour et la mort: derrière le détachement enjoué de l’humoriste se profile
un certain sentiment tragique de la vie :« Le
rire tragique va donc au-delà de la mort. Impossible d’aller plus loin! »
Disponible chez l'auteur pour la somme de 19 euros
Etienne Moulron
1, avenue Pierre le Vénérable
71250-Cluny
France
06.75.48.31.86
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A toutes celles et à tous ceux
qui sont partis sans un au revoir...
" Mais nous reverrons bien ceux à qui
nous n’avons pas dit à temps au revoir,
nous n’avons pas dit à temps au revoir,
Ceux qui sont partis sans dire
mot
dans le long effroi du délaissement.
dans le long effroi du délaissement.
Nous les reverrons, car nous
n’aurons
de cesse de leur dire les mots qui n’ont été
Dits à temps, de leur répéter sans fin
au revoir au revoir selon la loi de la Vie .
de cesse de leur dire les mots qui n’ont été
Dits à temps, de leur répéter sans fin
au revoir au revoir selon la loi de la Vie .
Toute fleur est une fleur
refleurie,
toute pluie une source retrouvée, toute larme.
toute pluie une source retrouvée, toute larme.
Une peine ravivée, tout visage un
regard
reconnu, tout sourire un don échangé
reconnu, tout sourire un don échangé
A toutes celles,
Et toute vie à venir
une vie à jamais survécue-souvenue."
Et toute vie à venir
une vie à jamais survécue-souvenue."
(François Cheng)
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Etienne Moulron
Parcours et oeuvres
Fondateur de la Maison du Rire et de l'Humour
et Créateur du " Prix Humour de Résistance"
1, avenue Pierre le Vénérable
71250-Cluny
France
06.75.48.31.86
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